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Pression de pâturage Des bovins pour reverdir les déserts

Emetteurs de gaz à effet de serre, pollueurs en nitrates, gros consommateurs d’eau... Il est actuellement de bon ton d’accuser les bovins de tous les maux et de ne voir qu’une facette d’un problème complexe. On peut également appréhender l’intérêt de l’élevage bovin sous un autre angle. En Afrique comme ailleurs, il n'y a pas de prairies sans herbivores et étonnamment, l'élevage "intensif" pourrait faire reculer le désert.

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Allan Savory est biologiste habitant au Zimbabwe. Depuis un demi-siècle, il met en pratique sur le terrain, et aux quatre coins du monde, une technique inattendue pour reverdir les prairies et faire reculer les déserts : l’élevage in­ten­sif.

 

La cause de la dé­ser­ti­fi­ca­tion : trop simpliste d’accuser le réchauffement climatique et le surpâturage !

Pour­quoi les sa­vanes d’Afrique et les prai­ries d’Amérique du Nord se désertifient-elles inexo­ra­ble­ment ?

Et pourtant : les sa­vanes du Sa­hara, d’Australie, d’Amérique du Nord se sont dé­ser­ti­fiées bien avant que l’on dé­couvre le char­bon et le pé­trole.

Et pour­tant, les prai­ries d’Amérique du Nord, et en par­ti­cu­lier celles de l’ouest du Texas se désertifient aussi vite voire plus vite que le Sa­hel ou le Zim­babwe :

Ceci prouve in­dis­cu­ta­ble­ment que le pro­blème est ailleurs.

La prai­rie a toujours co­évo­lué avec les grands troupeaux d’herbivores

Avant l’apparition des premiers hominidés, les grandes plaines vi­vaient en sym­biose avec les im­menses trou­peaux des her­bi­vores du début de l’ère quaternaire : élé­phants, cha­meaux, bi­sons, rhi­no­cé­ros lai­neux, au­rochs, dont la population était elle même ré­gu­lée par de grands pré­da­teurs.

En dé­ci­mant les her­bi­vores sau­vages et en pro­té­geant ses maigres trou­peaux des prédateurs sauvages, l’homme a cassé le mé­ca­nisme qui per­met­tait à une telle bio­masse ani­male et vé­gé­tale de pros­pé­rer dans des ré­gions à la plu­vio­mé­trie capricieuse.

A l’échelle humaine, en Afrique, les grands troupeaux d’herbivores qui évo­luaient dans une prai­rie d’herbes à hau­teur d’épaule, ont diminué, en même temps que la prairie devenait une terre nue et cra­que­lée entre des buis­sons desséchés.

La prai­rie a be­soin de (gros) troupeaux

Sous les climats tropicaux, comment la prairie se régénère-t-elle sans la présence d’herbivores ?

À la fin de la sai­son des pluies :

La sai­son des pluies étant courte, les plantes sèches mettent plu­sieurs an­nées à se dé­com­po­ser : au lieu de ser­vir de nour­ri­ture à la vie du sol, le cycle est in­ter­rompu et la prai­rie pé­ri­clite peu à peu.

Ce cercle fonctionne mieux sous nos latitudes. Il y a as­sez d’humidité dans le sol pour dé­com­po­ser la vé­gé­ta­tion sèche avant que la perte de nu­tri­ments soit trop im­por­tante. Quoique... après les derniers étés secs, nous allons nous sentir plus concernés par ce discours.

On constate sim­ple­ment que si on la laisse en ja­chère, la prai­rie s’embroussaille puis de­vient forêt.

En re­vanche, si la plante est brou­tée par un herbivore :

Sur­pâ­tu­rage, distinguer nombre d’animaux et pression de pâturage

Pour Allan Savory, surpâturage ne veut pas dire automatiquement « trop d’animaux  sur une surface donnée ».

Si les prai­ries préhistoriques ne se sont pas dé­ser­ti­fiées avant l’arrivée des redoutables chasseurs que sont devenus les hommes, c’est que l’évolution a prévu au moins deux mé­ca­nismes pour évi­ter le sur­pâ­tu­rage mal­gré la pres­sion per­ma­nente des herbivores :

Quand il n’y a pas une concentration d’herbivores suffisante, le pié­ti­ne­ment n’est pas correct, la terre n’est pas émiet­tée, les brous­sailles ne sont pas per­tur­bées, et la prai­rie souffre.

On croit bien faire en ré­dui­sant le nombre de têtes à l’hectare pour lut­ter contre le sur­pâ­tu­rage et mé­na­ger la prai­rie, mais en fait on em­pire le mal : sai­son après sai­son, la prai­rie souffre par manque d’herbivores, le four­rage est moins abon­dant, et les rares herbes qui res­tent se re­trouvent fi­na­le­ment surpâturées.

Pas de prairies sans herbivores !

Cela pose un pro­blème pour les éco­sys­tèmes de prai­rie : quand on les laisse en ja­chère en les pro­té­geant contre le pâ­tu­rage et l’exploitation agri­cole, les grandes prai­ries de la Terre ne se re­cons­ti­tuent pas. Si la plu­vio­mé­trie est clé­mente, elles de­viennent des fo­rêts ; si­non, elles de­viennent des déserts.

Le pâturage intensif pour regénerer les prairies

Pour régénérer les prairies, Allan Savory préconise les techniques suivantes  :

Ne pas cher­cher à évi­ter le pié­ti­ne­ment, qui fait par­tie du cycle de vie de la prai­rie. Au contraire, en l’absence de pré­da­teurs qui stressent et concentrent le trou­peau, il est sou­vent in­suf­fi­sant, et c’est à l’éleveur de sus­ci­ter le phé­no­mène en trou­vant des fa­çons de den­si­fier le trou­peau à cer­tains mo­ments, par exemple en le par­quant la nuit.

Il a prouvé à maintes re­prises en Afrique aus­trale et dans le sud-ouest amé­ri­cain qu’on pou­vait ainsi ré­gé­né­rer la prai­rie mal­gré les sé­che­resses ré­cur­rentes.

L’herbe re­vient, le sol se couvre, puis se charge en hu­mus, la faune sau­vage ex­plose, la nappe re­monte, les mares s’assèchent moins vite et les ruis­seaux se re­mettent à cou­ler. Tout ça en pro­dui­sant du lait et de la viande éle­vée à l’herbe.

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